Introduction : le rôle du portrait au cours des siècles
par Olivier Ribeton, conservateur en chef du Musée Basque et de l'Histoire de Bayonne.
Jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle, les portraits de la collection Gramont ne sont pas signés. Cette collection ayant été très peu, sinon pas du tout montrée dans des expositions, les historiens de l’art n’ont pas eu le loisir de l’étudier comme elle le mérite. Peu à peu ceux-ci identifient les peintres qui ont produit ces portraits Gramont. Il ne faut pas apprécier la collection Gramont selon le seul critère des chefs d’œuvre de l’art mais plutôt selon la constatation d’une très rare continuité d’illustration des effigies d’une famille.
Les artistes se sont efforcés avec des fortunes diverses de pérenniser l’image d’une Maison comprise dans la continuité des générations, mais aussi de fixer les regards individuels des membres de la lignée qui dépassent la simple exaltation d’une famille. Garder le plus longtemps possible le souvenir d’une parenté ou d’une amitié est un désir assez impérieux pour obliger le portraitiste à la ressemblance la plus fidèle dans la reproduction de son modèle. En plus de la réplique ou de la copie et avant la photographie, l’art de la miniature permettait de combler l’absence de l’être aimé ou admiré en conservant son image sur une tabatière, un poudrier, un pendentif ou le chaton d’une bague.
Le développement économique du Moyen Age européen et chrétien autorise l’apparition d’abord timide puis envahissante des effigies peintes ou sculptées des donateurs ou commanditaires d’œuvres religieuses. Ecclésiastiques, personnages princiers, puis riches bourgeois des villes commerçantes, les donateurs se font représenter agenouillés, et en dimensions réduites, au pied de la Vierge ou du saint tutélaire. Bientôt les donateurs seront de même taille que les saints. Ces recherches aboutissent à la façon de Pourbus en Flandre qui généralise et simplifie cette représentation en triptyque : de chaque côté de Dieu et de ses saints prennent place les hommes (le père et ses fils) d’un côté, et les femmes (la mère et ses filles) de l’autre. Cette manière a gardé un témoin dans l’un des berceaux de la famille de Gramont, avec un ex-voto du XVIIe siècle dédié à la Vierge à l’Enfant, grande peinture toujours conservée dans l’église d’Asté en Bigorre, au pied des ruines du château des vicomtes d’Aster, seigneurs d’Aure, devenus Gramont par mariage au XVIe siècle.
Des ébauches de portrait réaliste apparaissent lentement en France avec la statuaire et les effigies funéraires, gisants des nécropoles royales montrant un masque peu à peu individualisé. Le portrait royal français se laïcise et prend son autonomie par rapport à la représentation des événements collectifs longtemps traduits par l’enluminure. Des portraits individuels sont exécutés en peinture depuis le profil de Jean II le Bon jusqu’au portrait officiel du roi Charles VII par Jean Fouquet. Les Italiens, vrais précurseurs des temps modernes, renouent avec le portrait antique au moyen des effigies peintes ou sculptées glorifiant le condottiere, le banquier, le prince, le prélat ou le pape... L’exemple italien ne sera amplement suivi en Angleterre et en France qu’au XVIe siècle : les Anglais raffolent des œuvres de l’Allemand Holbein générateur du « portrait anglais ».