Bon BOULLOGNE
En 2014, dans sa préface au catalogue de l’exposition Bon Boullogne (1649-1717), un chef d’école au Grand siècle, présentée au musée national Magnin de Dijon, Pierre Rosenberg écrivait : « L’histoire de la peinture française entre 1690-1695, dates respectives de la mort de Charles Lebrun et de Pierre Mignard, et l’arrivée au pouvoir vers 1725-1730 de la génération dite de 1700, ainsi nommée du fait du grand nombre d’artistes de talent nés autour de cette date reste à écrire.
Le commissaire scientifique François Marandet y présenta un tableau de la collection Gramont : le portrait de Marie-Christine de Noailles et de sa fille Adélaïde de Gramont qu’il attribuait à Bon Boullogne comme les portraits d’Antoine V duc de Guiche, seul ou avec ses fils. Il avait découvert qu’en 1711, Bon Boullogne était alors expressément qualifié « peintre du duc de Gramont ». Le duc de Gramont était encore Antoine IV Charles qui publia en 1716 les Mémoires de son père Antoine III, mêlés aux siens. Dans ses écrits il faisait preuve d’un certain humour. Sa propre ambassade à Madrid en 1704-1705 auprès de Philippe V d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, ne rencontra pas un grand succès mais lui rapporta le collier de la Toison d’or et un cadeau somptueux de trois peintures exceptionnelles du Titien, Diane et Actéon, Diane et Callisto, et l’Enlèvement d’Europe, vendus peu après au duc d’Orléans et aujourd’hui conservées à Edimbourg et à Boston.
L’inventaire après décès d’Antoine IV Charles de Gramont en 1720 révèle « qu’il possédait une sorte de petit panthéon de la peinture française moderne ». Une Vénus sur les eaux de « Boullogne l’Aîné » est prisée 1200 livres. Le peintre agissait depuis l’aube du siècle comme conseiller du duc dans ses acquisitions et même était prêt à s’engager pour la cour d’Espagne au moment de son ambassade. Le goût du duc de Gramont pour les arts est confirmé par son propos sur les collections du palais royal de Madrid. Antoine IV écrit dans ses Mémoires : « ce qui est admirable, ce sont les tableaux dont toutes les chambres sont pleines, et les tapisseries superbes, et beaucoup plus belles que celles de la couronne de France, dont Sa Majesté Catholique a huit cents tentures dans ses garde-meubles ». Le 12 juin 1720, le duc de Gramont choisit comme exécuteur testamentaire le duc de Tresmes et lui légua « le tableau de la Vierge tenant l’enfant Jésus, avec sa bordure, fait par Vandeck [Van Dyck], appartenant audit seigneur testateur ».
Le portrait familial de son fils Antoine V avec ses enfants ferait partie des « deux grands tableaux » exposés par Bon Boullogne au Salon de 1699, l’âge des garçons (9 et 10 ans) correspondant à leur représentation. Une reprise en petit (ricordo ?) de ce tableau existe dans une collection privée. Au même Salon, Boullogne présentait un « Portrait de la duchesse d’Aumont avec la fille de Madame la duchesse d’Humières », grand tableau « en large » qui a malheureusement disparu. Marandet souligne le style d’une inspiration plus proche de Van Dyck que de Hyacinthe Rigaud (attribution faite en 1812 pour ce tableau). Les sources révèlent, écrit-il, que Bon Boullogne avait exposé au Salon de 1704 des portraits "dans le goût de Van Dyck" ainsi que "dans le goût de Rembrandt". Or, telles sont exactement les deux références stylistiques qui sautent aux yeux ici conclut-il.
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